(Je réponds ici à un commentaire laissé par bgn9000.)

L’œuvre, une fois publiée, échappe au contrôle de sa créatrice.

 Jacques Salomé a écrit :

« Un livre a toujours deux auteurs : celui qui l’écrit et celui qui le lit. »

Lire n’est pas un acte passif. Le passé, les aspirations, les peurs et les croyances de celle ou celui qui lit colore inévitablement son interprétation de l’œuvre. Pourquoi l’adaptation cinématographique des livres que nous avons lus et aimés nous déçoit-elle neuf fois sur dix? Parce qu’elle ne correspond jamais à ce que nous avions imaginé.

De plus, publier, c’est rendre public parfois bien plus qu’on ne soupçonne. On vend nos livres, certes; mais, à travers l’écriture, c’est notre âme que nous donnons, que nous exposons (je paraphrase ici F. L. Lucas, écrivain anglais : « Those who publish make themselves public in more ways than they sometimes realize. Authors may sell their books, but they give themselves away. »). D’ailleurs, Alexandre Vialatte parlait de ses œuvres comme de morceaux qu’il avait détachés de lui-même… Et ces morceaux, le public en fait bien ce qu’il veut. Parfois, même, il les balance dans le bac de recyclage!

 Alors, comment enfanter d’une œuvre et lui donner sa liberté? Choisir d’écrire pour un public (avec les contraintes que cela suppose), c’est d’ores et déjà accepter de donner à l’œuvre sa liberté : c’est accepter que la critique encense ou démolisse votre création; c’est courir le risque que l’on vous prête des intentions que vous n’aviez pas, que vos proches vous voient soudain comme une folle ou une perverse, etc.

 Sinon, on écrit pour soi. Point.

Photo ci-dessus : « Composition autour d’un livre ouvert », Gallica.

Catégorie:
La voie de l'écriture
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Joindre la conversation 6 commentaires

  1. Nous sommes tant de personnes à la fois. Nous sommes toutes ces personnes.
    Celle qui lit, celle qui lit un auteur qu’elle ne connaît pas
    celle qui lit un auteur qu’elle connaît
    celle qui parle à une personne, celle qui parle à plusieurs personnes, celle qui parle à sa mère, celle qui parle à son père, celle qui parle à une amie
    celle qui écrit pour elle
    celle qui écrit une lettre à son amour
    celle qui écrit une histoire
    celle qui parle de son livre à un éditeur
    celle qui parle de son livre à un lecteur
    celle qui parle de son livre à un journaliste
    celle qui n’a que cinq minutes pour parler de son livre qu’elle a porté et écrit pendant tant de mois, tant d’années.

    Et nous sommes aussi celle qui vit et qui laisse vivre ses enfants, ses parents, ses amis, ses amours et… ses livres.

  2. Oui. Nous sommes « multiples », ainsi que je l’ai écrit dans mon recueil Visages d’Elle.

  3. Quand Biblio Outaouais redeviendra fonctionnel, j’essaierai de faire venir ce livre.
    Parce que j’ai remarqué que vous étiez membre de l’Association des auteurs de l’Ontario, moi je suis membre de l’autre côté de la rivière, hihihi. On se verra sûrement un de ces jours au Salon du livre de l’Outaouais.

  4. Nous sommes multiples, car nous ne sommes pas un être indépendant de tous les autres êtres (humain, animal, végétal ou minéral). Nous sommes nos parents, nos enfants, nos amis, et… aussi ces inconnus qui nous lisent.
    Mais bien avant de lâcher notre oeuvre dans la nature, au moment de sa gestation, je pense que nous devons écrire en nous détachant des contigences de temps, de désirs, d’interdits, … L’oeuvre s’en trouve grandit.
    Nous lui faisons confiance même si elle ne correspond pas à nos souhaits initiaux. Souvent, le résultat est surprenant.
    Il en va ainsi de nos enfants.

  5. Intéressante réflexion.

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