J’ai appris à écrire en lisant, mais aussi, et peut-être surtout, en traduisant. La traduction est la meilleure école de langue! Comme l’affirmait Mme G. M. de Rochmondet, auteure des Études sur la traduction de l’anglais (1830), elle est « encore le meilleur moyen de s’habituer à écrire correctement, c’est-à-dire à se rendre compte du sens précis des mots, et de leur juste emploi dans le discours ».(1)
La littérature internationale est une littérature traduite. Vous y avez songé?
De nos jours, on traduit surtout depuis l’anglais, langue qu’Elisabeth Wörle décrit comme hyper-centrale. On traduit les meilleurs vendeurs — les best-sellers. En effet, la circulation des biens culturels est maintenant tributaire des lois du marché.
« Désormais, il faudra faire la distinction entre deux types de littérature : la littérature commerciale, de masse, de consommation, de best-seller, et l’autre. Devinez donc laquelle est la plus rentable… » (2)
Comme les best-sellers viennent souvent de nos voisins états-uniens, il en résulte une internationalisation de leurs valeurs — une américanisation, qui « menace sérieusement la pluralité de l’espace culturel mondial. »(3)
Mais la diversité culturelle n’est pas le seul enjeu; la diversité des points de vue est aussi menacée.
Guy Warin appelle ainsi à lutter contre le « kitsch imagologique », c’est-à-dire :
« […] la standardisation de l’imaginaire des individus par l’hégémonie des médias et par le règne tyrannique des imagologues qui participent à un même processus de réduction et d’uniformisation du monde par l’image, une image embellie, rassurante, sécurisante, par laquelle ils nous dictent leurs normes de beauté, nous imposent leurs principes de vérité. » (4)
Quand j’écris, je ne suis donc pas qu’une écrivaine; je suis aussi une résistante! Parfois cette pensée m’inspire. Parfois elle me pousse au bord de l’angoisse.
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1. Citée par Benoit Léger et Alice Massot dans le magazine Circuit, hiver 2009. 2. WÖRLE, Elizabeth. « Mondialisation ou littérature », Circuit, hiver 2009. 3. Idem. 4. « Le kitsch et la loi du plus grand nombre », L’Oiseau-Tigre (Les Cahiers du Théâtre français), septembre 2010, Centre national des arts, Ottawa.
Première photo : « Work with schools, writing a composition », archives de la bibliothèque publique de New York.
Deuxième photo : « Sow the seeds of Victory », archives nationales des États-Unis.