En Occident, on associe la profession infirmière aux femmes; la plomberie et l’informatique, aux hommes. Certes, il y a des infirmiers, des plombières et des informaticiennes, mais si peu. Après des décennies de féminisme, la répartition des tâches et des responsabilités reste largement stéréotypée. Aux grands maux les grands moyens : en Suède, une école maternelle a décidé de combattre les stéréotypes en éliminant toute référence au genre. Cette école a pour nom : Egalia.
Egalia
Les méthodes d’Egalia suscitent tantôt la curiosité, tantôt l’incrédulité voire l’aversion. N’est-ce pas exagérer? Il existe bel et bien des différences entre les femmes et les hommes (ne serait-ce que biologiques). Faut-il « dégenrer » l’espace social (c’est-à-dire faire complètement abstraction des genres) pour enfin réussir à modifier les rapports de pouvoir entre hommes et femmes?
Je ne crois pas que l’on puisse rééquilibrer le pouvoir entre les genres en niant leurs spécificités. Il faut plutôt définir avec moins de rigidité la féminité et la masculinité. Selon Elisabeth Badinter, nous sommes déjà engagés dans cette voie, puisqu’elle considère qu’une des caractéristiques de la modernité est justement la « diversification des modes de vie féminins »(1). La diversification touche aussi les hommes, mais dans une moindre mesure pour l’instant.
La maternité comme norme
Est-ce par effet de ressac que, dans le discours public, la maternité a fait un retour en force et est placée « au cœur du destin féminin »(2) ces dernières années?
Une femme (et à moindre degré un homme) ou un couple sans enfant paraissent toujours une anomalie qui appellent [sic] le questionnement. […] Ceux-là sont constamment sommés de s’expliquer alors qu’il ne viendrait à l’idée de personne de demander à une mère pourquoi elle l’est devenue (et d’exiger d’elle des raisons valables), fût-elle la plus infantile et irresponsable des femmes.(3)
Mme Badinter parle d’« une crise identitaire probablement sans précédent dans l’histoire de l’humanité »(4), crise qui se traduit par de fortes tensions entre les mères et les non-mères, et qui nuit selon elle aux luttes égalitaires. Audrea O’Reilly, éditrice d’un livre sur la maternité au XXIe siècle(5), considère d’ailleurs l’activisme maternaliste comme un mouvement social autonome, distinct du féminisme.
L’émergence d’une nouvelle féminité
Plus tôt, j’ai fait allusion au prix que doivent payer les femmes qui vivent différemment, qui n’ont pas d’enfants (par choix ou non). Ce prix, outre le jugement ou l’incompréhension de l’entourage et de la société (qui nous voient souvent comme des adolescentes attardées), c’est un certain isolement. Car, les nouvelles mamans recherchent la compagnie d’autres mères et, consciemment ou non, tiennent fréquemment à l’écart celles de leurs amies qui ne le sont pas. Notre féminité hors normes serait-elle à ce point dérangeante?
Jadis, les femmes sans enfants étaient majoritairement religieuses; les non-mères d’aujourd’hui ne se cachent plus sous des habits noirs ou derrière les murs d’un couvent. Nous sommes visibles et nos modes de vie, d’une diversité plus étendue que la carte des vins des meilleurs établissements parisiens. Nous n’entrons dans aucune des catégories généralement acceptées, ce qui explique sans doute qu’en société, nous ayons vaguement le sentiment d’être des extra-terrestres.
1. BADINTER, Elisabeth. Le conflit – la femme et la mère, Flammarion, 2010, p. 31.
2. Idem. p. 9.
3. Idem, p. 23.
4. Idem, p. 12.
5. The 21st Century Motherhood Movement: Mothers Speak Out on Why We Need to Change the World and How to Do It, Demeter Press (cité dans « « Invisi-mom » or « mamazon »? York U prof challenges stereotypes of motherhood with new anthology », The Exchange Magazine, 27 mai 2011).
Antébillets : Et si… Femme et Maternalisme frénétique.
Vive la différence car le monde serait plate si tout le monde était pareil!! et Dieu sait qu’elle est dur à accepter et à faire comprendre cette différence, peu importe la forme! Le sentiment d’être un extra-terrestre et hors-norme, je le sens depuis longtemps je crois que je l’ai toujours senti au fond car je sais que j’ai un mode de pensée différent de la plupart .Surtout, je crois qu’il y a une panoplie de possibilités dans la vie pour se réaliser et en étant ouverte d’esprit, il n’y a pas cette nécessité d’être une mère pour se sentir épanouie (je ne vois pas cela comme une fin en soi).On peut explorer d’autres voies tout aussi louable et forcément on devient psychologiquement créative de notre propre vie car on a plus de temps à se consacrer pour apprendre à mieux se connaître et on peut se permettre d’être plus présente pour les autres, donc le jugement vient de l’incompréhension de vivre autrement et c’est en quelque sorte de la projection! Difficile de s’identifier dans une société qui n’accepte pas toujours à fond les différences!
[…] J’ai le temps. Au contraire d’autres écrivaines et artistes, je ne suis pas déchirée par le « conflit entre maternité et création » (1). Mes déchirements à moi sont ailleurs, ils sont d’une autre nature. […]