« Q. Qu’est-ce qui vous nuit le plus?
R. Mes propres limites intellectuelles… mais aussi les voisins. (Il fronce les sourcils.) Les maudits voisins! En ville, le bruit de la télé! En banlieue, les tondeuses! À la campagne, les tracteurs!
Q. Heureusement qu’il y a les bouchons d’oreilles…
R. Oui. C’est l’invention du siècle! (Rires.)
Q. Qu’est-ce qui vous aide, à part ça?
R. (Long silence.) Les chagrins d’amour. (Il tousse.) Ça rend l’âme plus sensible et on voit les choses d’une manière plus personnelle.
Q. La manière de voir, c’est important?
R. C’est essentiel! (Il hausse le ton.) C’est la condition indispensable pour avoir un style. Je dis un style, pas du style!
Q. Il y a une différence?
R. Une différence?… C’est le jour et la nuit! (Il s’emporte.) On a du style quand on écrit bien, c’est-à-dire quand on se conforme à un modèle! Avoir un style, c’est le contraire : on écrit à sa manière, sans tenir compte des règles! »
— Jacques Poulin, La traduction est une histoire d’amour,
coédition de Leméac et Actes sud, 2006, p. 86.