D’ici quelques semaines, j’aurai terminé la révision de mon nouveau roman et me mettrai en quête d’un éditeur. J’ai foi dans ce livre, mais le doute réussit quand même à se faufiler en moi de temps à autre.
Je ne suis pas comme ces jeunes premiers de la littérature. Même si j’écris depuis l’adolescence, je n’ai publié mon premier poème que vers la fin de ma vingtaine et mon premier roman, vers la mi-trentaine. J’ai encore un métier alimentaire, mais je ne considère pas pour autant l’écriture comme un passe-temps, et je suis toujours irritée quand quelqu’un insinue que les vrais artistes ne devraient pas se soucier du profit. Je tiens à mes droits d’auteur. J’espère d’ailleurs que ce roman que j’achève m’en rapportera assez pour me donner les moyens de consacrer plus de temps à mon art dans les prochaines années.
Le plombier qui vient réparer votre toilette qui fuit s’attend bien sûr à être payé pour son travail. Une toilette fonctionnelle compte pour beaucoup dans votre qualité de vie, alors vous payez sans rechigner. L’art aussi contribue à votre qualité de vie, alors pourquoi rechigner à payer dans ce cas?
On ne peut aimer l’art tout en crachant sur celles et ceux qui le créent! Appuyer les artistes, cela veut dire, entre autres :
- Selon votre budget, acheter vos propres livres ou demander à votre bibliothèque d’acheter les titres qui vous intéressent (puisque les autrices et auteurs touchent des droits pour les exemplaires en prêt public);
- Payer pour télécharger de la musique ou acheter des CD plutôt que de les copier;
- Parler des œuvres et des artistes que vous aimez;
- Donner le goût de l’art aux enfants autour de vous.
Dans La bohème, Aznavour raconte la vie des artistes du vieux Montmartre qui « bien que miséreux, avec le ventre creux » ne cessaient de croire à leur art. J’aime sa chanson, mais je ne veux pas du style de vie! Croyez-moi, on écrit (crée) mieux quand on a un toit sur la tête et que la faim ne nous tiraille pas le ventre.
On dira que j’ai tort de rapprocher littérature et plomberie; que la littérature, elle, est de l’ordre du « superflu ». Ne vous y trompez pas. Depuis toujours, les êtres humains se racontent des histoires. Au début, nous le faisions oralement, au coin du feu. Aujourd’hui, nous utilisons l’écrit ou l’image, mais le but est le même : il s’agit de transmettre (un savoir, des valeurs, une vision du monde), tout en distrayant. Par nos histoires, nous donnons un sens au chaos du monde et de l’expérience humaine. Nous nourrissons les âmes.