J’ai piqué du nez. Je me suis retrouvée les fesses sur la chaussée mouillée.
Toute la pluie tombait sur moi, et moi je m’en faisais un peu, assise là dans le noir, dans mon hideux ciré jaune, à côté du nid-de-poule qui venait effrontément de m’arrêter, avenue Berkley. La faible lumière jaune des lampadaires donnait à l’obscurité une sorte d’aura dorée. En fait, j’aurais pu trouver la scène fort jolie, n’eut été mon désir de rentrer vite au chaud et au sec.
Assise au rez-des-pneus, je regardais l’eau perler sur le métal de mon fauteuil : même au meilleur de ma forme, m’y hisser aurait tenu du miracle dans ces conditions. Le métal mouillé, c’est glissant. À vingt ans? Ah! certes, à vingt ans j’aurais probablement trouvé un moyen, au risque de m’arracher quelques centimètres de peau et de me craquer le menton. Moi, demander de l’aide? Pourquoi? Je pratiquais l’indépendance extrême en ce temps-là (aujourd’hui, je me méfie des extrêmes et accepte de plus en plus la valeur de la vulnérabilité).
Alors, sur la chaussée mouillée de l’avenue Berkley, j’ai sorti mon téléphone. Avant que j’aie réussi à avoir un être humain au bout du fil, un monsieur d’un certain âge (sorti pour une promenade digestive après son souper?) s’est avancé vers moi afin de m’offrir son aide. J’ai accepté de bon cœur et donné quelques explications. Il m’a tendu son parapluie, m’a demandé de patienter le temps qu’il coure de l’autre côté de la rue chercher une seconde paire de bras. Il est revenu deux, trois minutes plus tard avec sa fille, et quelques secondes après, j’étais de nouveau assise dans mon fauteuil, en route pour attraper l’autobus qui me ramènerait chez moi.
Je dédie ce billet à mes bons Samaritains de l’avenue Berkley. Je ne connais pas leurs noms, mais ils sont venus s’ajouter aux raisons qui me font aimer cette ville.
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