Ces derniers jours, nombre de femmes ont dénoncé publiquement les agressions sexuelles qu’elles ont vécues aux mains d’hommes. Les violences masculines ne s’arrêtent toutefois pas là, et elles prennent bien d’autres formes.
Cette violence peut même s’étendre au domaine linguistique, comme le démontre Éliane Viennot dans un livre fascinant intitulé : Non, le masculin ne l’emporte pas sur le féminin! Historienne de la langue, elle déchire le voile linguistique que les grammairiens et l’Académie française ont fait porter aux femmes en offrant quantité d’exemples de la masculinisation progressive du discours, masculinisation qui avait pour but de nier l’intelligence de notre genre et de le tenir hors des lieux de pouvoir. Du même coup, Mme Viennot montre qu’il existe déjà en français des solutions pour représenter équitablement les deux sexes — il ne reste qu’à les redécouvrir et à les mettre en pratique.
Quel rapport entre les dénonciations publiques que je mentionnais au début de ce billet et la démasculinisation de la langue? Dans les deux cas, il s’agit d’une prise de parole, étape essentielle pour que les femmes parviennent à reprendre leur place aux côtés des hommes, d’égales à égaux. Cette prise de parole, elle devrait inclure rebaptiser la Commission des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies. Après tout, comme l’écrivait Napoléon Caillot en 1838 :
Jamais amateur et auteur ne signifieront amatrice et autrice, pas plus qu’homme, femme, et cheval, jument.*
Le français pourrait calquer l’appellation espagnole et parler de la Commission des droits humains.
Bon, j’ai laissé la revendicatrice en moi prendre le dessus alors que j’avais plutôt prévu vous parler d’amour aujourd’hui. En effet, inspirée par la lecture du compte rendu que Sion Dayson a fait de sa résidence littéraire dans l’ancienne maison de Kerouac, j’ai inscrit à mon intention le rappel suivant sur le tableau accroché à l’un des murs de mon bureau :
Aie avec la vie une folle histoire d’amour.
C’est mon adaptation d’une des règles de vie de Kerouac**. Il faut aimer toute la vie, avec ses beautés comme avec ses laideurs (agression, violences et souffrances en tous genres). Et la folie dans ça? Il faut beaucoup de folie pour combattre le fléau de la rationalité qui a élevé le profit et la croissance économique au rang de divinités et qui voudrait maintenant établir une adéquation entre fusils et sécurité. Folie douce… comme la folie d’écrire.