La même pensée revient me hanter une ou plusieurs fois par année. Sans doute assaille-t-elle périodiquement toutes celles et ceux qui écrivent : « Il y a déjà tant de livres, à quoi bon en écrire un de plus? »
Heureusement (ou malheureusement), mon besoin d’écrire triomphe toujours. Même si je n’écrivais que pour moi, même si je m’en tenais à une écriture privée comme celle que je pratique dans mon journal, par exemple, ce temps serait bien investi. En effet, la science a confirmé les bienfaits de l’écriture pour la santé mentale et physique*.
Je viens d’amorcer la lecture du journal d’Anaïs Nin. Je trouve fascinant qu’elle soit aujourd’hui surtout connue comme diariste plutôt que romancière. Sa parole privée est devenue une parole publique. Certes, la frontière entre les deux est plus poreuse que jamais à l’ère des médias sociaux et de l’information instantanée. Plus poreuse et aussi plus dangereuse.
Dans certains coins du monde, tenir haut et fort des propos qui dérangent les autorités peut vous valoir le fouet ou une sentence de mort. En comparaison, nous jouissons ici d’une immense liberté de parole, mais les mésaventures judiciaires d’une maison d’édition comme Écosociété avec l’industrie extractive, il y a quelques années, et l’actuelle obsession sécuritaire des États nous rappellent la nécessité de ne jamais relâcher notre vigilance si nous voulons préserver notre chère liberté.
J’admire le courage de celles et ceux qui brandissent la parole comme un flambeau malgré le danger et les menaces : Raïf Badawi, Djemila Benhabib, Irshad Manji et bien d’autres. Je pense à eux quand je me mets à craindre les (petits) remous que pourraient causer mes écrits.