Dans une ville qu’on surnomme la « Grosse pomme », un professeur amoureux de beauté et de nature a fait pousser un arbre digne du jardin d’Éden, qui arbore un feuillage multicolore et produit un assortiment de fruits délectables. Il a commencé par étudier le calendrier de floraison des arbres fruitiers du verger qu’il venait d’acquérir, puis il a pris une bouture d’arbre et a commencé à y greffer différentes variétés fruitières. Ainsi est né l’arbre aux quarante fruits.
L’arbre aux quarante fruits existe vraiment. Son créateur s’appelle Sam Van Aken. Il affirme avoir voulu créer « un arbre de la vie ». Moi, je crois qu’il nous a offert une parabole.
Car, cet arbre, n’est-il pas l’illustration parfaite que les différences peuvent coexister de manière harmonieuse et que le tout ainsi créé est supérieur à la somme de ses parties? Il illustre aussi qu’il suffit parfois de courage et d’imagination pour que l’impossible devienne réalité.
Je suis rentrée hier d’un séjour de ressourcement au Monastère des Augustines de Québec. J’ai passé quatre journées magiques dans ce « lieu de mémoire habité » où en 1639 Marie Guenet, Anne Le Cointre et Marie Forestier ont entrepris l’impossible : au terme d’une longue et périlleuse traversée en bateau, établir un premier hôpital dans la colonie naissante, soumise aux rigueurs d’un impitoyable climat.
Le qualificatif « impossible », beaucoup vous diront qu’il va aussi comme un gant aux huit propositions de Pierre Rabhi pour « vivre et prendre soin de la vie ». M. Rabhi a rédigé une charte internationale pour la terre et l’humanisme :
Pour que le temps arrête de n’être que de l’argent, pour que le silence redevienne merveilleux, pour que la logique du profit sans limites cède face à celle du vivant, pour que les battements de nos cœurs ne sonnent pas comme des moteurs à explosion, et enfin pour vivre et prendre soin de la vie.
La première de ses huit propositions? Incarner l’utopie — rien de moins. Car dans les utopies d’aujourd’hui se trouvent les solutions de demain, affirme-t-il.
En littérature, ce sont les dystopies qui ont la cote de nos jours. Et moi, toujours à contre-courant, j’écris une utopie. Le manuscrit que j’ai mentionné ici et là ces derniers mois en constitue le premier tome.
Je crois que la première étape pour construire un monde meilleur, c’est d’oser imaginer possible un tel monde. Les livres, justement, aident à cultiver l’imagination.
Bien sûr, vous me direz, le nœud du problème, c’est que tout le monde n’a pas la même conception du mot meilleur, sur les « fruits » à cultiver…
Au fait, avez-vous entendu parler de l’arbre aux quarante fruits?