Je déteste les lits, l’horizontalité. Il faut de bonnes fesses pour écrire, aime dire Dany Laferrière. Proust écrivait au lit (ce qui explique peut-être pourquoi sa prose m’endort); moi, je n’y arrive pas.

Pendant que le monde combat COVID-19, je repose mes fesses. C’est ma version personnelle du confinement, une convalescence en dents de scie, saupoudrée d’anicroches bureaucratiques. J’expérimente à contrecœur un autre rapport au temps, je me perds dans ses longueurs, rongée par un ennui infertile que même Netflix ne parvient pas à gommer. La semaine, désormais, se divise en changements de pansements. Les tulipes ne font plus le printemps : il viendra quand je pourrai caresser une peau toute neuve et cesser de rationner mon activité assise.

J’ai lu qu’au Japon, on a rasé des milliers de tulipes pour empêcher que leurs jolies coroles ne provoquent des rassemblements. Les tulipes d’Ottawa, elles, ont été épargnées.

On spécule beaucoup sur l’après. J’ai moi-même été invitée à écrire* sur le sujet, mais j’ai refusé l’invitation. Car la virulence de mon quotidien ces derniers mois a privé mon imagination des nutriments essentiels à son déploiement. Mes forces étaient dirigées vers l’intérieur.  

L’après, j’espère qu’il sera mieux — pour moi, pour vous, pour le monde. Après tout, la peste a entraîné la disparition du servage dans l’Europe moyenâgeuse.

En attendant, je vais continuer d’essayer d’écrire à l’horizontale.  

* Projet de création en résidence organisé par les éditions Prise de parole et intitulé Imaginer l’après. On peut découvrir le résultat ici.

Image : Susanne Jutzeler, Pixabay

Catégorie:
La voie de l'écriture, Sur la corde raide
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Joindre la conversation 2 commentaires

  1. Merci Marie-Josée pour cette réflexion.

    Moi aussi, je déteste l’horizontalité, j’aime être en mouvement.

    Quelqu’un m’a demandé si je tenais un journal du confinement pour pouvoir écrire là dessus, je refuse de le faire aussi.

    L’après ça viendra que nous le voulions ou non. On passe notre temps à dire que ce ne sera plus pareil, aucun temps n’est semblable à l’autre, la misute qui suivra sera différent du présent.

    Repose tes fesses 🙂

    Bisous,

    Gabriel Site : http://www.gabrielosson.com Facebook : facebook.com/ @gabrielecrivain Twitter : @gabrielosson

    Opération 400.000 exemplaires : Hubert, le restavèk, David http://refc.ca/products-page/hubert-le-restavek/ Nouveauté : Le jour se lèvera, David http://refc.ca/products-page/le-jour-se-levera/

  2. Merci pour ton mot d’encouragement, Gabriel!

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