Les derninères langues de neige ont fini de fondre dans mon quartier. Les tulipes ont commencé à ouvrir leurs coroles. C’est le printemps à Ottawa, mais le mois dernier, j’ai promis de vous raconter mon équipée dans la neige à Toronto.

Alors, voilà…


J’avais passé la semaine à regarder les prévisions météorologiques : on annonçait 15 à 20 cm de neige pour Toronto, mais des températures proches du point de congélation. Au centre-ville, les flocons fondraient probablement au contact du béton.

J’étais dans l’auditorium de l’Université de l’Ontario français quand j’ai vu les premiers éclairs déchirer la nuit torontoise, par-dessus la sculpture rivière qui surplombe le passage piétonnier entre les rues Lower Jarvis et Richardson. Était-ce une illusion d’optique? J’avais déjà prononcé mon petit laïus. La neige commençait à former un tapis blanc. J’ai décidé qu’il valait mieux que je devance mon départ.

J’ai sorti mon téléphone et appelé la compagnie de taxi qui devait me conduire à l’hôtel (j’avais réservé la veille), puis je suis allée attendre à la porte. Trente minutes, quatre-vingt-dix minutes, deux heures se sont écoulées tandis que les éclairs continuaient à fendre périodiquement le ciel et que le couvert de neige épaississait à vue d’œil. Plusieurs fois, j’ai rappelé la compagnie de taxi. Chaque fois, on m’a répondu la même chose : on cherche un véhicule. Enfin, peu après 21 h (l’heure de ma réservation originale), un top discret m’a signalé la réception d’un nouveau message texte. C’était la compagnie de taxi. Le message comportait deux mots seulement : « NO van ». Pas de véhicule adapté.

J’ai appelé chacune des compagnies de transport adapté dont j’avais noté le nom dans mon téléphone. Aucune n’avait de véhicule en service. J’avais faim. Je n’avais presque rien mangé de la journée. Le repas servi dans le train avait été infect : des nouilles sèches et trop cuites avec quelques bouts de légumes.

Entretemps, quelques personnes m’avaient rejointe au bord de la porte, dont Michèle Laframboise, une consœur autrice de science-fiction. Dans le groupe, une seule avait un véhicule : un utilitaire sport. Avec un peu d’aide, j’aurais réussi à prendre place dans une berline, mais pas un utilitaire sport. Que faire?

La distance entre l’université et l’hôtel était de 2,3 kilomètres environ. Michèle a proposé de me pousser avec l’aide de S. Ça semblait la seule option. Nos sacs sont partis dans l’utilitaire sport; nous avons boutonné nos manteaux et entamé notre périple. Je n’ai pas regardé l’heure. J’imagine qu’il était autour de 21 h 30.

Je n’étais pas habillée pour une excursion hivernale. S. non plus : elle portait robe et bas de nylon avec des baskets blancs et n’avait même pas de gants. La neige était collante; son épaisseur atteignait déjà 15 centimètres. L’avancée était lente. S. et Michèle poussaient ensemble, l’une à ma droite, l’autre à ma gauche. Heureusement, j’avais ma Freewheel — une grosse roue placée à l’avant de mon fauteuil, lui conférant plus de stabilité en terrain inégal.

La montée de Lower Jarvis a été difficile; nous avons fait une première pause dans un café après pour nous réchauffer et récupérer. Je commençais à sentir l’humidité de la neige à travers mon manteau de drap. Je portais heureusement des jambières. L’employé au comptoir du café a eu la gentillesse de tolérer notre présence sans exiger qu’on achète quoi que ce soit; il nous a même saluées avec un sourire quand nous sommes reparties.

Je ne sais pas combien de temps nous avons mis à parcourir ce qui est un trajet court et facile en temps normal. Nous avons dû faire plusieurs pauses. Des éclairs continuaient d’illuminer le ciel de temps à autre, accompagnés de coups de tonnerre. Nous avons croisé quelques parcs aux airs romantiques sous la neige. La blancheur donnait un tout autre visage à la ville, qui semblait soudain si propre et si paisible. Même les câbles du tramway s’entrecroisant aux intersections revêtaient un charme indéniable avec leur enveloppe floconneuse.

Lorsque nous sommes arrivées à l’hôtel, Michèle a pris quelques photos pour immortaliser notre aventure, puis j’ai filé au comptoir pour m’enregistrer. Je n’avais plus faim. Il était presque minuit. Je ne pensais qu’à sortir de mes vêtements mouillés et à boire une tasse de thé chaud.

Le lendemain, après un déjeuner passable, mais trop cher au restaurant de l’hôtel, j’ai bouclé ma valise. Le taxi adapté s’est fait attendre longtemps, trop longtemps à mon goût; j’ai pensé que j’allais rater mon train, mais le retour s’est finalement déroulé sans anicroche (hormis qu’on m’a servi le même repas infect que la veille). Quand j’ai ouvert la porte de ma maison, le chat Michabou a poussé un miaulement d’approbation. Je partageais son sentiment : les aventures, c’est bien, mais quel bonheur de retrouver le confort du foyer après.

Marie-Josée porte manteau rouge avec un chapeau et un foulard noir. Sous son manteau on peut voir le bas de sa robe. Une bonne couche de neige est visible sur ses vêtements. Marie-Josée lève les bras avec une expression triomphante sur son visage.
Catégorie:
Périphérie
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Joindre la conversation 2 commentaires

  1. Quelle aventure, Marie José
    Un périple classique. Est-ce que tu peu😏x l’interpréter dans une œuvre ?
    Je reconnais de plus en plus d’être casanière à 74 ans. J’ai de bons souvenirs de nombreux voyages.
    XOXO
    Marie T.

    Réponse
    • Bonjour Marie! Mon vécu se glisse constamment dans ce que j’écris : une émotion, une scène, une personne vient enrichir la trame, voire lui sert de fondement. Quant à savoir si mon aventure torontoise se glissera telle quelle dans un livre un jour, ça, je ne le sais pas encore.

      Réponse

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