Quand même

Bien sûr, il y a les statues défigurées d’Hatra

Bien sûr, il y a ici et là des barbares qui rouspètent ou dégoupillent à la vue d’un livre, d’une intellectuelle ou d’une main levée pour revendiquer un droit qu’ils désapprouvent

droit à un environnement sain
droit à l’intégrité physique
droit à l’avortement
droit à l’expression
droit à l’éducation
droit à l’égalité
etc.

 

Bien sûr, toute cette désespérance
cause de vos orgies de distractions

On se croit oint
on n’est qu’humain

Mais je vais quand même continuer à créer
parce que tout reste à imaginer
parce que tout reste à aimer.

Vagabondages

Bien que je me fasse discrète sur ce blogue, je n’ai jamais autant écrit. Toutes mes énergies sont tournées vers le nouveau roman.

« Les attentes vont être grandes », m’a récemment dit une consœur en faisant allusion aux nombreux prix que j’ai remportés avec le dernier.

Je ne pense pas aux attentes (du moins pas pour l’instant!).

L’écriture envahit tout, même le salon! En effet, j’ai posé un tableau blanc sur le sofa afin de pouvoir y prendre des notes en passant. Les idées ne viennent pas seulement quand je suis au clavier, comme je l’ai déjà souligné. En fait, les plus intéressantes arrivent en général quand je ne les attends pas, quand je lâche prise et laisse mon esprit vagabonder. Cela fait partie du mystère du processus créatif.

Le vagabondage est un plaisir menacé, paraît-il. Fabien Deglise, dans un billet publié en mars dernier, faisait l’éloge du mystère et se demandait si, soumis à la précision d’un système de géolocalisation par satellite (GPS) et des plans de Google Map, il aurait été possible pour Jack Kerouac d’écrire On the Road (en français, Sur la route).

Peut-être avez-vous entendu parler de cette famille  qui a entrepris de faire le tour du monde à vélo? J’admire leur esprit d’aventure!

Le vagabondage, soit-il mental ou physique, nourrit la créativité.

Cour Rochleau, Kingston (Ontario)

Cour Rochleau, Kingston (Ontario)

Latté poétique, 2e édition

Latté poétiqueFraîchement sortie de l’atelier de poterie, une autre de mes créations mariant argile et poésie.

Retranscription des vers :
Chevauche le chaos
comme le surfeur
les vagues –
front au vent

Latté poétique

J’ai voulu combiner deux passions : l’écriture et la poterie. Voici le résultat.

Retranscription des vers :
Des larmes comme perles scintillantes
Ne rien retenir, ne rien cacher

Passé, mémoire et imaginaire

« L’historien sait bien que le passé n’est pas seulement ce qui a été, c’est aussi ce que la mémoire en a fait. Quant à l’imaginaire, il ne s’oppose nullement à la réalité : il n’en est ni le contraire ni l’adversaire, mais constitue lui aussi une réalité — une réalité différente, fertile, mélancolique, complice de tous nos souvenirs. »

— Michel Pastoureau,
La couleur de nos souvenirs
, Seuil, 2010.

Alchimie

Je suis fascinée par le mariage des mots et de l’image; par l’alchimie qui se produit quand les mots ne servent plus qu’à expliquer l’image, ou quand l’image devient plus qu’un simple faire-valoir des mots.

L’artiste Marcus McAllister pousse loin cette alchimie dans ses carnets. Peter Gabor, sur Design & Typo, les qualifie d’« autothérapie calligraphico-picturale ».

Ces carnets sont une façon pour McAllister de nourrir sa créativité, voire de provoquer l’inspiration quand elle se fait désirer. Il explique sa méthode de travail dans une entrevue filmée par Cynthia Morris, intitulée The Dreamed Journal (en anglais).

Je tiens depuis l’université un journal intime. Au fil des ans, la forme de ce journal a changé considérablement. D’abord chronique du quotidien, il est devenu une sorte de ramasse-tout où je consigne idées, rêves, réflexions, citations, impressions de voyage ou de lecture, etc. Pour faire bonne mesure, j’y ajoute souvent photos et découpures. Mon rapport à ce journal ressemble à celui de McAllister avec ses carnets : il me sert de tremplin, tout en m’offrant une façon de continuer à écrire quand les circonstances m’empêchent de pratiquer autrement l’écriture. Le noir et le blanc y dominent. Classique. Même la couverture est noire. Cette monochromie a toutefois commencé depuis peu à m’étouffer. J’ai acheté un cahier rose. Je l’entamerai le 1er janvier; cela, qu’il reste ou non des pages à remplir dans mon vieux cahier.

Mais peut-être que le rose ne suffira pas après tout… Marcus McAllister m’a donné envie de couvrir de couleurs les pages de mon journal.

Photos : pages des carnets 68, 70 et 71 de Marcus McAllister,
avec l’aimable autorisation de l’artiste.

Les marges selon Müller

Le point fort de ma soirée au théâtre? Une citation du dramaturge Heiner Müller dans le programme, sur le même thème que j’abordais ici avant-hier :

« Au centre rien ne bouge plus. Les mouvements ne partent que des marges. »

Différente

Ces jours-ci, le livre qui m’accompagne pendant mes trajets d’autobus
a pour titre Eat, Pray, Love. À peu près tout le monde semble avoir lu ce livre témoignage d’Elizabeth Gilbert, avoir l’intention de le lire ou avoir vu son adaptation cinématographique, dans laquelle Julia Roberts incarne Mme Gilbert.

À peine ai-je ouvert mon livre tout écorné et gondolé (parce que nous avons été surpris ensemble par la pluie à quelques reprises) que, immanquablement, une inconnue brise le mutisme bienséant pour solliciter mon opinion ou en offrir une.

On aime ou on déteste. Moi, j’ai du plaisir à le lire, ce livre. Mme Gilbert me tire tantôt rires tantôt larmes. On lui reproche son narcissisme, ses névroses? Elle est en bonne compagnie : après tout, il ne manque pas de narcissistes et de névroses sur ce continent!

Le livre est divisé en trois parties, correspondant chacune à un mot du titre et à un pays : l’Italie, l’Inde et l’Indonésie. Pendant son séjour italien, Mme Gilbert habite Rome, une ville dont l’identité tient en un mot découvre-t-elle : SEXE. Elle se met alors à chercher le mot décrivant le mieux sa personne.

Vous avez déjà tenté de vous décrire en un mot? C’est un exercice intéressant.

Mon mot, c’est DIFFÉRENTE. Il résume à lui seul mon apparence, mon vécu, mon style de vie…

Adolescente, je voulais à tout prix nier ma différence; je voulais être comme les autres! Aujourd’hui, j’assume ma différence et j’apprécie la liberté qu’elle me confère. Certes, être différente, vivre « dans la marge » n’est pas toujours facile. En contrepartie de ma liberté, j’ai souvent l’impression d’avancer sans guide et sans bâton sur des sentiers non balisés. Sur ces sentiers, pourtant, je retrouve la divine joie de créer et d’être tout simplement moi.

GILBERT, Elizabeth. Eat, Pray, Love, New York, Penguin Books, 2006
(en traduction : Mange, prie, aime, chez Calmann-Levy).

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