Glanures

La question que je me pose ce matin : investir ou non du temps dans le remaniement d’une nouvelle pour la soumettre à un concours. La nouvelle n’est pas ma spécialité. Un magazine a déjà levé le nez sur celle-ci, du moins sur la version existante. C’est un bref antépisode au roman que j’ai soumis à un éditeur au début de l’été. Je lui vois plein de défauts. J’ai au moins une, voire deux idées pour améliorer le texte. Je n’ai pas grand-chose à perdre, sinon quelques heures et feuilles de papier.

J’ai pourtant plus envie de me replonger dans ces substantifiques essais où je glane des idées pour mon prochain livre.

Je suis en perpétuel glanage. J’ai de volumineux carnets (papier et virtuels) qui regorgent de faits et de citations ayant piqué ma curiosité ou ma conscience, des citations comme celles-ci :

[…] vouloir s’informer sans effort est une illusion qui relève du mythe publicitaire plutôt que de la mobilisation civique.

— Ignatio Ramonet

Dans un texte publié dans les années 1990, M. Ramonet allait jusqu’à parler de « censure démocratique ». Vingt ans plus tard, de nouveaux joueurs participent à la manipulation de l’information.

Facebook manipule bel et bien l’affichage des nouvelles qui apparaissent sur les pages de ses abonnés. La multinationale américaine dispose même, pour le faire, d’une équipe éditoriale composée de vrais humains chargés de mettre de l’avant artificiellement ou de soustraire certains sujets, révèle un document interne obtenu par le quotidien britannique The Guardian […]

— Fabien Deglise

Dans Le Devoir, Antoine Robitaille affirmait carrément que notre société est entrée dans une ère « post-factuelle » dans un récent article consacré à la campagne présidentielle aux États-Unis. Des recherches récentes sur les univers numériques montrent que le problème soulevé par M. Ramonet s’est en fait aggravé.

[…] il y a bel et bien une majorité audible dans les réseaux sociaux qui consacre son temps à éteindre la lumière.

— Fabien Deglise

Où est-ce que je m’informe? Quelle information est-ce que je choisis moi-même de diffuser? Ce sont des choix qui peuvent contribuer à « répandre la lumière ». Comme créatrice, je dispose en outre d’un autre outil pour répandre la lumière : mon art. Comment en userai-je aujourd’hui?

Art + handicap : 8 choses à savoir

Les artistes en situation de handicap se taillent petit à petit une place dans le paysage artistique canadien. En février, le Musée canadien pour les droits de la personne présentait Au-delà du regard, première grande exposition d’œuvres réalisées par des photographes aveugles. En mars, le Monument national présentait Avec pas d’cœur, une production de la compagnie Maï(g)wenn et les Orteils sur la sexualité des personnes handicapées, qui intégrait des artistes professionnels « différents et marginalisés ». Le rockeur Martin Deschamps a aussi beaucoup contribué à légitimer la pratique artistique des personnes handicapées.

Leah Sandals a récemment interviewé pour Canadian Art Eliza Chandler, directrice artistique de l’organisme Tangled Art + Disability, à Toronto, créé pour favoriser le développement des artistes en situation de handicap et pour élargir la diffusion de leurs créations. Je vous offre, avec l’aimable permission de Mme Sandals, une adaptation* de cet entretien fort intéressant, dans lequel Eliza Chandler mettait en relief huit faits pour nourrir la réflexion des organismes souhaitant participer à l’essor d’un art différent.

  1. Les personnes handicapées ne se trouvent pas que dans le public : elles créent aussi

Une des choses qui dérange le plus Eliza Chandler, c’est que, lorsque galeries, musées et théâtres se demandent comment devenir plus accessibles, généralement, ils ne pensent qu’aux personnes handicapées dans le public. L’intégration des personnes handicapées comme artisans de la culture — comme musiciennes, performeurs, artistes — ne soulève toutefois pas le même genre de problèmes, explique-t-elle. Lire la Suite

Une journée dans la vie d’une autrice

« Pas facile la vie d’artiste quand t’es pas vedette! » Combien de fois ma tante Marthe a répété cette phrase. Elle n’était pourtant pas artiste, mais elle passait ses journées entourée d’une trâlée d’enfants, dont un musicien et une future autrice (bibi). Nos penchants dramatiques devaient nous rendre par moment bien insupportables!

Pas facile la vie d’artiste… En effet, certains jours, je me demande dans quelle galère je me suis embarquée. Aujourd’hui, ça va quand même plutôt bien. Ma galère prend des allures de voilier racé. Je sens que le chapitre 13 du nouveau roman tire à sa fin. J’ai bon espoir d’y mettre le point final avant la fin de la journée. Je pourrai ensuite me concentrer sur le dernier chapitre.

La vie d’autrice, c’est aussi la comptabilité, les relations publiques et la correspondance.

Par exemple, ce matin, j’ai commandé les titres de ma prochaine chronique auprès des éditeurs. J’ai ajouté à mon courriel type qu’À bon verre, bonne table était maintenant disponible en ligne — ma chronique y compris, allez voir! Bien sûr, j’ai pris quelques minutes pour faire le tour des médias sociaux et vérifier s’il y avait des commentaires demandant une réponse.

J’ai repensé au coup de fil reçu vendredi d’une élève en train de lire mon deuxième roman pour l’école. Pas facile la vie d’artiste, mais ça vaut la peine. Les silences de Corinne continuent à résonner.

Tiens, ça me rappelle une citation de Diane Ackerman que j’ai lue la semaine dernière :

[traduction]

Les mots sont les clés de notre âme. Sans eux, nous sommes incapables de partager l’énormité de nos vies.

Vers l’avant, vers la vie

Journée de rangement. Au fil du tri des papiers, je tombe sur le prospectus du Théâtre français d’Ottawa pour la saison 2015-2016, et ces paroles de Brigitte Haentjens, qui vont droit à mon cœur d’artiste :

Car l’art n’est pas là pour conforter l’ordre établi : il a un rôle subversif. Il doit soulever le public et le propulser vers l’avant, vers la vie. Il est indispensable de s’en souvenir, même si, souvent, on préfère ce qui console à ce qui bouscule.

Un joyeux bruit

Une fois brisé le mur du silence, on ne peut pas retourner derrière.

À l’occasion, il m’arrive de repenser à ma dernière conversation avec une vieille amie, quelque part dans café au centre-ville de Montréal. Elle voyait d’un œil très sceptique mes aspirations littéraires. Talent ou pas, j’allais forcément « frapper un mur », croyait-elle, parce que je n’avais pas les bonnes relations, pas le bon pédigri, etc.

Dans ma famille on est un peu tête de cochon (d’accord — beaucoup, vous diront celles et ceux qui ont partagé leur vie avec quelqu’un de la descendance d’Édouard Martin). Mais est-ce l’entêtement ou la naïveté qui m’ont fait persévérer? La route a été longue.

Le mois dernier, j’ai reçu le Prix du livre d’Ottawa pour Un jour, ils entendront mes silences. Après, je m’attendais à me fondre à nouveau dans le silence, à retourner à mon clavier avec pour seule compagnie mes deux vieilles chattes. À la place, j’ai reçu un coup de fil de mon éditeur m’annonçant que j’avais été choisie comme personnalité de la semaine Radio-Canada/Le Droit. Une nouvelle ronde d’entrevues m’attend.

Au milieu de ce joyeux bruit, je voudrais quand même attirer l’attention sur une initiative qui me tient à cœur, puisque j’ai participé à sa concrétisation : les bourses Tontine. Ces bourses « un tantinet rebelles » visent à donner un coup de pouce à la créativité des femmes d’Ottawa et de Gatineau. J’ai participé parce que, justement, je sais combien elle peut être longue, la route, pour une artiste; longue, et semée de doutes. Recevoir une bourse ou un prix, c’est une tape dans le dos, un encouragement à persévérer.

Magnifiquement ambitieuse

Andrée Poulin, citant Catherine Mavrikakis, affirmait récemment qu’il faut faire le deuil d’être une grande écrivaine. Je pense au contraire qu’on ne doit jamais cesser de viser la grandeur, faire preuve envers soi-même d’une exigence infatigable : bref, avoir de l’ambition. Quitte à se casser la gueule! Attention, avoir de l’ambition ne signifie pas se prendre pour une autre! Je ne veux pas être Anne Hébert, Milan Kundera ou Margaret Atwood. Je veux exceller en étant moi-même, avec ma propre voix.

Pour gravir les échelons, il faut d’abord s’en croire capable. Sinon, on reste assise sur le plancher des vaches. Hemingway n’était pas humble; Picasso non plus. Ils sont devenus grands dans leur domaine respectif non pas en imitant les autres, mais en étant eux-mêmes.

Selon Victor Hugo :

« Les magnifiques ambitions font faire les grandes choses. »

Pablo Picasso, « Mandoline et Vase », 1934. 

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