Déjouer les singes

Il s’est écoulé sept ans entre la publication de mon premier et de mon deuxième roman. J’étais déterminée à ne pas dépasser cinq années entre le deuxième et le troisième. J’ai raté ma cible. Qu’importent les raisons.

En août, j’avais une fois de plus le sentiment que ma carrière littéraire appartenait au passé. Du reste, absorbée par la traduction d’un énorme rapport, je n’avais guère le temps d’écrire. Le hasard ou la providence (qui ne sont sans doute qu’une seule et même chose, au fond) a fait que j’ai reçu à ce moment-là mes droits d’auteur pour les douze derniers mois — 194 $ (jolie somme pour un « vieux » livre)! J’ai encaissé mon chèque en me disant que, malgré les apparences, je devais donc être encore une écrivaine après tout.  

Plus tôt ce mois-ci, j’ai assisté à la célébration de vie d’une amie décédée. Toute sa vie, cette femme avait été habitée par un profond sentiment de solitude, mais la salle comble et les témoignages de tout un chacun disaient au contraire une pléthore de relations fécondes. Malgré ses perceptions, elle avait toujours été bien entourée.

Illusions et apparences nous jouent des tours. Sans cesse. Comme une bande de singes chahuteurs, nos pensées s’agitent sous notre calotte crânienne sans nous laisser un instant de répit pour goûter ce qu’il y a de bon là, devant nous.

Il faut apprendre à les déjouer.

En aparté

J’ai commencé il y a quelques semaines un projet littéraire sur Instagram : Mon catalogue instalittéraire du quotidien. Je vous invite à le découvrir ici et à me dire ce que vous en pensez.

Évolution de l’édition : possibilités et questionnements

Vous lisez des livrels ou utilisez un iPhone? Ne manquez pas l’article fort intéressant d’Alain Beuve-Méry publié dans Le Monde et repris sur Envie d’écrire : « Avec Apple, tout le monde paie ».

Je ne possède pas de liseuse électronique, ni de téléphone intelligent. C’est comme autrice que je m’intéresse aux livrels, qui m’amènent à me poser beaucoup de questions sur l’évolution du livre et de l’industrie de l’édition. Par exemple :

1. À long terme, quelle influence le livrel aura-t-il sur le format et la structure des livres?
Un paragraphe s’étirant sur deux ou trois pages, on en trouve beaucoup dans le roman proustien. Ça ne se fait plus! Sur le Web, les paragraphes doivent compter au plus quelques lignes, sinon les lectrices se lassent. Dans un microbillet de Twitter, une idée se trouve résumée en deux lignes. Et que dire du phénomène des « textos-feuilletons » (les romans SMS ou, en anglais, les mobile phone novels), ces romans écrits et diffusés de manière séquentielle sur les téléphones cellulaires?

2. Créatrices et créateurs continueront-ils à recevoir une juste compensation pour leur travail?
Apple entend prélever 30 % sur toutes les ventes dans sa librairie numérique, le iBookstore. C’est un intervenant de plus dans la chaîne du livre, et chaque intervenant veut bien sûr sa part du gâteau! En fin de compte, que restera-t-il pour les autrices et auteurs? La question apparaît particulièrement pertinente à la lumière du projet de loi c-32, fort critiqué par l’ensemble du milieu culturel parce qu’il menace le droit d’auteur — droit sur lequel repose justement notre compensation.

3. La diffusion du livre passe de moins en moins par les librairies. Comment les bons livres trouveront-ils demain leur public et vice-versa?
À l’automne, Éric Simard commentait le phénomène de la démocratisation du livre et ses conséquences pour la littérature (Chacun son métier #10). Les médias grand public font de moins en moins de place au livre, mais de nouvelles vitrines apparaissent. Parmi ces nouvelles vitrines, il y a les blogues de passionnées et passionnés de lecture. La qualité varie beaucoup de l’un à l’autre, mais l’entrain qui les anime est rafraîchissant. Encore faut-il les trouver, ces vitrines, dans les méandres d’Internet!

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