Comment enfanter d’une œuvre et lui donner sa liberté?

(Je réponds ici à un commentaire laissé par bgn9000.)

L’œuvre, une fois publiée, échappe au contrôle de sa créatrice.

 Jacques Salomé a écrit :

« Un livre a toujours deux auteurs : celui qui l’écrit et celui qui le lit. »

Lire n’est pas un acte passif. Le passé, les aspirations, les peurs et les croyances de celle ou celui qui lit colore inévitablement son interprétation de l’œuvre. Pourquoi l’adaptation cinématographique des livres que nous avons lus et aimés nous déçoit-elle neuf fois sur dix? Parce qu’elle ne correspond jamais à ce que nous avions imaginé.

De plus, publier, c’est rendre public parfois bien plus qu’on ne soupçonne. On vend nos livres, certes; mais, à travers l’écriture, c’est notre âme que nous donnons, que nous exposons (je paraphrase ici F. L. Lucas, écrivain anglais : « Those who publish make themselves public in more ways than they sometimes realize. Authors may sell their books, but they give themselves away. »). D’ailleurs, Alexandre Vialatte parlait de ses œuvres comme de morceaux qu’il avait détachés de lui-même… Et ces morceaux, le public en fait bien ce qu’il veut. Parfois, même, il les balance dans le bac de recyclage!

 Alors, comment enfanter d’une œuvre et lui donner sa liberté? Choisir d’écrire pour un public (avec les contraintes que cela suppose), c’est d’ores et déjà accepter de donner à l’œuvre sa liberté : c’est accepter que la critique encense ou démolisse votre création; c’est courir le risque que l’on vous prête des intentions que vous n’aviez pas, que vos proches vous voient soudain comme une folle ou une perverse, etc.

 Sinon, on écrit pour soi. Point.

Photo ci-dessus : « Composition autour d’un livre ouvert », Gallica.

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