Savoir transmuer l’attente
Je brûle de vous révéler ce qui se trame ces jours-ci dans ma vie d’autrice, mais j’ai promis d’attendre. J’attendrai donc. Quelques personnes sont déjà au parfum. Votre tour viendra d’ici quelques semaines.
En attendant, il faudra vous contenter du parfum des pivoines en fleurs et de l’herbe fraîchement coupée.
L’insatisfaction chronique
J’ai l’impression d’avoir jusqu’ici passé la majeure partie de ma vie dans l’attente de quelque chose, m’impatientant d’en voir le commencement, la fin, l’aboutissement, etc.
Au cégep, il me tardait de commencer l’université afin de pouvoir partir de la maison. Au bout de deux années à l’université, je ne pensais qu’à décrocher mon baccalauréat au plus vite pour entrer sur le marché du travail. Puis, quand j’ai commencé à gagner un salaire décent, je me suis mise à rêver du jour où j’aurais économisé assez d’argent pour acheter une maison. Même la publication de mon premier livre m’a laissé un sentiment d’insatisfaction : plutôt que de me réjouir d’avoir réussi ce qui, pour d’autres, ne dépasse jamais le stade du ramassis de feuilles raturées, je me suis désespérée devant les problèmes de distribution et les ventes faméliques.
En bref, je souffre d’insatisfaction chronique.
Vivre autrement l’attente
Au fil des ans, j’ai vécu quelques rémissions plus ou moins longues de cet état qui semble ronger tant d’âmes nord-américaines. Des moments de grâce.
Certes, l’insatisfaction a le mérite de m’avoir aiguillonnée toujours vers l’avant et de m’avoir permis de me dépasser. Sans elle, je n’aurais peut-être pas eu le courage de quitter la sécurité du nid parental pour me lancer à la poursuite de mes rêves. C’est vrai. Toutefois, mes rêves continuent de se développer, de sorte que la réalité ne les rattrape jamais tout à fait. Pour que motivation cesse d’aller de pair avec insatisfaction, il faut que j’apprenne à vivre autrement l’attente ou que je la transmue.
Quand je vais en promenade sur mon tricycle, je ne pense pas à une destination. En fait, je ne pense à rien. Je suis heureuse de simplement pédaler et d’admirer le paysage. Quand, penchée sur un des carrés de terre du potager, j’arrache une à une les mauvaises herbes, je ne pense à rien non plus, et je ne m’impatiente pas devant la besogne qui reste à abattre. Le secret de la transmutation de l’attente se cacherait-il donc au bout de la racine des chénopodes blancs?