Écrire c’est… [38]

Écrire c’est politique.

La littérature est politique. La poésie est politique. Et la traduction aussi.

— Canan Marasligil

Les histoires que je choisis de raconter, la posture que j’adopte dans mes textes, le vocabulaire que j’utilise, les idées que je mets de l’avant, les personnages que je crée, tout cela a une dimension politique.

Quand André Paiement a lancé son provocant «Moé j’viens du Nord, s’tie», il a posé un geste éminemment politique, comme le rappelle ce mois-ci Isabelle Bourgeault-Tassé dans un article qui retrace la carrière trop brève de cet artiste du Nouvel-Ontario — un geste qui s’apparente à celui de Michel Tremblay lorsqu’il a choisi de faire parler les personnages des Belles-Sœurs en joual. Les deux artistes affirmaient une identité francophone distincte dans l’espace nord-américain.

Choisir d’écrire en français dans cet espace est politique — c’est un défi à l’anglonormativité. Mais au moment où Tremblay et Paiement ont présenté au monde leurs créations, je soupçonne que la politique était loin de leur pensée, qu’ils répondaient seulement à une impulsion profonde, un désir d’exister pleinement et de mettre des mots sur leur réalité.

Mon besoin de nommer flirte souvent avec celui de revendiquer. Toutefois, dans mes romans, je cherche d’abord à ouvrir des perspectives nouvelles et à susciter chez l’autre un questionnement en écho aux questions qui m’interpellent moi-même. Je ne suis pas du genre à brandir une pancarte sur la colline parlementaire (je me sens mal dans les foules debout), mais j’utilise volontiers ma parole pour en relayer d’autres et élargir le débat public — parce que la vérité est plurielle. D’ailleurs, pour Jean-Paul Sartre, la parole est action.

L’écrivain engagé sait que la parole est action : il sait que dévoiler c’est changer et qu’on ne peut dévoiler qu’en projetant de changer.

— Jean-Paul Sartre

Cette action me semble par moment dérisoire, mais j’ai aussi des textes à traduire, un corps à soigner et de la vaisselle à laver.


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La chatte et les souris

Vous pouvez vous vanter, vous, d’avoir un col de fourrure vivant? Le mien s’appelle Leeloo.

Quand la chatte Leeloo est arrivée chez moi, elle tenait dans le creux de mes mains. C’était une petite boule de poils  longs et soyeux dans laquelle j’aimais cacher mon nez. À l’époque, je travaillais de la maison et Leeloo passait la majeure partie de ses journées couchée dans mon cou ou perchée sur mon écran cathodique. De ce perchoir, elle s’amusait parfois à pourchasser le pointeur de la souris sur l’écran. Cela me faisait bien rire et, quand je sentais le besoin de me dérider au milieu d’une traduction, je la taquinais en faisant danser le pointeur en boucles. Ma souris n’était même pas une souris pour tout vous dire — sinon, la chatte Leeloo aurait peut-être fini par la bouger elle-même pendant que j’allais me chercher une tasse de thé à la cuisine… Ma souris était un pavé tactile, intégré à mon clavier ergonomique. J’ai adoré ce clavier. Je l’ai gardé jusqu’à ce que, deux ordinateurs plus tard, la généralisation des ports USB le rende obsolète.

Aujourd’hui, Leeloo a passé l’âge de s’emballer pour un pointeur ou une souris, à moins que celle-ci ne soit couverte de poils et trottine impudemment dans le salon — pour une chatte de race ayant grandi dans un quatrième étage où la nature, c’était le balcon, Leeloo s’est avérée  une chasseresse redoutable depuis que nous habitons un bungalow avec cour. Du reste, le désintérêt de Leeloo pour le pointeur est sans doute une bonne chose, car nul doute qu’elle essaierait d’attraper la souris miniature que j’ai finalement achetée pour mon portable (lequel est affligé, comme tant d’autres, d’un pavé peu réactif).

J’ai hésité entre un pavé tactile de Logitech (oui, j’aime vraiment les pavés) et cette petite chose bizarroïde fabriquée par Swiftpoint, si petite qu’elle tient dans le creux de la main. Mon choix s’est arrêté sur la Swiftpoint, et j’en suis bien satisfaite. J’ai voyagé beaucoup avec la Swiftpoint au cours de la dernière année, alors que j’aurais probablement laissé à la maison un dispositif plus encombrant. Autre avantage de cette minisouris : à la différence de bien d’autres dispositifs sans fil, elle est rechargeable, et une charge d’une minute suffit pour travailler plus d’une heure.

Sur mon ordinateur de bureau à la maison, j’utilise une boule de commande Logitech. Pour le travail, j’utilise le pavé Ergo Touchpad, qui m’évite d’avoir à étendre la main trop loin (je l’ai fixé au bas du clavier, entre les deux zones d’appui des paumes). J’aime particulièrement la fonction de défilement circulaire de ce petit pavé. Au début, il m’a énervée, c’est vrai, parce qu’il « gelait » de temps à autre dans mon traitement de texte, m’obligeant à un débranchement-rebranchement. Après quelques semaines de frustrations, j’ai cependant découvert qu’il suffit d’appuyer sur la touche « Échap » pour que tout rentre dans l’ordre. Fait à souligner, le pavé Ergo peut être utilisé en conjonction avec une souris standard; les deux peuvent être branchés en même temps à votre ordinateur sans causer de conflit, ce qui vous laisse toute liberté de choisir le dispositif de pointage convenant le mieux à la tâche du moment.

Je commence à avoir une belle collection de dispositifs de pointage, et je crois qu’en les alternant, j’aide à ménager les muscles de ma main.

Hemingway et Sartre avaient un penchant pour les calepins Moleskin; Paul Auster avait noué des liens si intimes avec sa machine à écrire (une Olympia) qu’il évoquait « sa personnalité et sa présence au monde ». Dans quelques décennies, on évoquera sans doute les écrivaines et les romanciers d’aujourd’hui en s’attardant à leur souris, à leur fond d’écran ou à leur logiciel d’écriture. Vous en doutez? The Guardian a déjà consacré une série au bureau virtuel d’autrices et auteurs anglo-saxons. 

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