Force et différence
Ce printemps, le jour de mes quarante-trois ans plus précisément, j’ai ouvert au hasard le recueil de poésie qui traînait sur le sofa. Je suis tombée sur ces vers magnifiques, à la page… quarante-trois :
Reconnais dans mes yeux la violence
de ceux qui portent
les espoirs du mondeDans la fièvre
aux tracés de soi
une fleur ouverte
ne peut plus se refermer
— Nicole V. Champeau, Tendre capture, Éditions du Vermillon, 1993, p. 43.
À quarante-trois ans, de fait, je ne suis plus un bouton, une fleur en puissance qui s’interroge sur la couleur et la forme de ses pétales, l’ampleur de sa corolle ou la solidité de sa tige. Je suis arrivée à maturité, je sais exactement quel genre de fleur je suis.
Voilà sans doute pourquoi, quand j’ai transmis ma notice biographique aux Éditions David plus tôt ce mois-ci, j’y ai non seulement fait mention de mon handicap, mais aussi de son origine.
Jusque-là, j’avais eu trop peur que l’ombre du fauteuil roulant ne diminue l’écrivaine. Je redoutais l’« étiquetage ». Certes, j’avais bien fait allusion à mon handicap ici et là, notamment à travers une photo qui apparaît sur ce blogue au bas de la rubrique « À propos ». J’y avais fait allusion, mais ne l’avais pas abordé de front*.
Or, ce n’est pas en niant leur différence que Dany Laferrière et Kim Thúi ont conquis le cœur de lectrices et lecteurs, c’est en l’embrassant. Dans ma différence réside aussi ma force.
* Je me suis beaucoup reconnue dans les propos du chroniqueur Stéphane Laporte et je vous encourage à lire ses textes « Handicapé » et « La révolution des handicapés », dans lesquels il aborde sur un ton incisif ses propres réticences à s’assumer comme personne handicapée et la perception des handicaps dans notre société.