Atterrissage

Train, taxis, métro, traversier, avion : j’ai utilisé tous ces modes de transport la semaine dernière, lors de mon voyage à Toronto pour les Prix Trillium. Chacun révèle un visage différent de la ville. Toutefois, c’est seulement sur mes quatre roues à moi que, une fois de plus, j’ai eu l’impression de pouvoir apprécier la métropole — son architecture, son art public et l’affabilité de ses gens.

Bannière - Campus de l'Université de TorontoÀ Toronto, j’ai été traitée en princesse, j’ai côtoyé des écrivaines surdouées et des amants de la littérature qui s’emballent autant que moi pour une phrase joliment tournée.

Puis, je suis rentrée à Ottawa.

Et, dès le lendemain, la routine a repris ses droits.

Je suis redevenue simple réviseure de traductions, comme si je n’avais jamais serré la main d’Alice Munroe; comme si tout ce qui s’était passé là-bas, à l’ombre de Queen’s Park, n’était qu’un rêve.

Finalistes des Prix Trillium 2013Finaliste au Prix littéraire Trillium, je l’ai sûrement imaginé, non?

Aujourd’hui, je me suis installée dehors avec mon ordinateur portable et un grand verre de thé glacé, et je me suis remise à l’écriture de ce nouveau roman qui m’emballe et m’effraie tout à la fois.

La brousse

Sans le camouflage de la verdure estivale, la rue Rideau (à Ottawa) exhibe toute sa fadeur crasseuse. Il faut lever les yeux, regarder par-delà les abribus et la forêt d’enseignes disparates, pour deviner son ancienne beauté dans la rangée d’immeubles à corniches et fenêtres arquées qu’ombrage la passerelle du Centre Rideau.

Mendiants, toxicos, jeunes désœuvrés, dames aux habits soignés, touristes, étudiantes… on voit de tout au Centre Rideau. Je passe régulièrement par là, en route vers le travail, la bibliothèque, l’atelier de poterie, etc. En effet, le centre commercial sert de plaque tournante au réseau de transport en commun de la ville.

Hier, attendant l’autobus qui allait me ramener chez moi, je lisais sur ma liseuse La Peste de Camus :

« […] l’habitude du désespoir est pire que le désespoir lui-même. »

La pluie avait cessé un peu plus tôt. Le soleil brillait. Il faisait doux.

Soudain j’ai levé la tête. Je ne saurais dire ce qui m’y a poussée. Mes yeux se sont alors posés sur un homme de l’autre côté de la rue. Il était accroupi au bord du trottoir. J’ai d’abord pensé : il a pris une cuite; il va vomir. Non? Aurait-il échappé quelque chose?

À croupetons au-dessus de la rue, l’homme a étendu une main devant lui. Puis il a plongé cette main dans une flaque qui n’avait pas eu le temps de sécher et s’est aspergé d’eau le visage et les cheveux. Puisant à nouveau à la flaque, il a ensuite porté cette main à sa bouche et a bu.

Dans sa tête à lui, nous n’étions plus au cœur de la capitale canadienne, mais en pleine brousse. Entre nous, ce n’était pas un ruban de bitume, mais une rivière limpide.

Cotsco et Walmart, bourreaux des libraires

Laure Waridel l’a dit : « Acheter, c’est voter ».

Alors, où achetez-vous vos livres? Surtout, ne me dites pas que vous achetez chez Costco ou Walmart… Les livres y sont peut-être moins chers, mais il y a un prix à payer! Vous en doutez? Lisez le récent billet d’Éric Simard sur l’agonie des librairies indépendantes et le coût réel d’une visite chez Costco.

En Ontario, il ne reste plus que sept librairies francophones : l’an dernier, la seule librairie francophone de Toronto a fermé ses portes parce que les conseils scolaires l’ont délaissée pour s’approvisionner directement chez les grossistes.  Comme le disait Jean Malavoy à l’Express, une librairie est plus qu’un commerce : c’est un foyer de rayonnement culturel.

Bien sûr, la chaîne du livre est appelée à changer. L’avènement d’Internet et du livre électronique causent déjà des remous — annonciateurs d’un raz-de-marée. Pour survivre, les librairies vont devoir s’adapter à ces nouvelles réalités. Mais encore faut-il leur en laisser le temps.

À quand remonte votre dernière visite chez votre librairie indépendante?

Un mot gentil

 

Il y a encore des gens qui prennent la plume pour écrire.

Aujourd’hui, je me suis astreinte à trier la pile de courrier qui, petit à petit, s’était accumulé sur la table de la salle à manger. Quel ne fut pas ma surprise et mon bonheur d’y trouver une missive de Nicole V. Champeau, auteure de Pointe Maligne : l’infiniment oubliée, présence française dans le Haut Saint-Laurent ontarien, dont je vous ai récemment parlé.

Les mots écrits sur un beau carré de papier pèseraient-ils plus que ceux confiés au cyberespace? Je le crois.

Photo : © Marie-Josée Martin, 2010.

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