L’évolution à rebours

J’ai fait quelques fois allusion à ma collection de citations, qui ne cesse de grandir. Je ne sais plus où j’ai déniché celle-ci, de Bernard Werber (auteur de la trilogie Les fourmis) :

La trajectoire d’évolution de toutes les âmes se déroule en trois phases. 1. La Peur. 2. Le Questionnement. 3. L’Amour. Et toutes les histoires ne font que raconter ces trois étapes de l’éveil. Elles peuvent se dérouler en une vie, en plusieurs incarnations, ou se passer en un jour, une heure, une minute.

Écrire un livre, c’est toutefois emprunter le chemin inverse. Au début, quand je commence à raconter une nouvelle histoire, c’est le grand amour. Je suis emballée. J’ai la tête en ébullition.

Le questionnement se pointe le bout du nez quand je commence à poser un regard critique sur mon livre pour détecter les trous dans la trame narrative, polir le texte, couper les longueurs, ajuster les dialogues.

La peur, elle, arrive vers la fin, quand vient le temps de montrer le livre. L’histoire que j’aimais tant au début, je me mets à redouter qu’on la trouve sans intérêt.

Les ailes de la curiosité

Une année d’ombre et de lumière, d’alléluias sacrés et d’alléluias brisés*. Voilà ce qu’a été 2016. Au cours des dernières semaines, je me suis ménagé du temps pour le soupeser. Bien sûr, je n’ai pas comptabilisé un à un rires, larmes, cadeaux et déchirements. J’ai néanmoins tâché d’évaluer avec le plus d’honnêteté possible ce que j’avais su faire de ces douze mois, selon mon habitude.

J’ai su nourrir ma créativité et tenter de nouvelles expériences, j’ai même achevé un manuscrit. Alors, comment expliquer mon sentiment d’échec face à cette année?

La vie n’est que le reflet des couleurs qu’on lui donne.

— Abbé Pierre, Confessions

Cette question m’a conduite à une autre, beaucoup plus large :

Qu’est-ce qu’une vie réussie?

En ce qui me concerne, ce sont à mes efforts pour embellir et bonifier le monde que je mesure, que je mesurerai mon succès. Et vous?

On ne lui offrait pas les ailes qu’elle avait imaginées, mais elle volait déjà. Et comme le bonheur des gens qu’on aime, même quand on ne le comprend pas, nous transforme, Valcourt regarda le baroque amas de tissus que Gentille étalait en sautillant autour de la table et ne vit que son sourire qui dessinait les formes de l’extase.

— Gil Courtemanche, Un dimanche à la piscine à Kigali

Certains jours, bonifier le monde, ce peut être aussi simple que d’offrir un sourire à l’inconnue croisée à l’arrêt d’autobus; d’autres, pour moi, ce sera d’utiliser mes talents de communicatrice afin de sensibiliser le public ou une élue à un problème. Chaque petit geste compte, mais pour construire un monde meilleur, il faut aussi des actions comme celles d’une Viola Desmond**, qui demandent de sortir des sentiers battus. D’où pour moi l’importance de choisir d’écouter plus souvent ma curiosité que ma peur.

L’ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l’équation.

— Averroès

Alors, puisse la curiosité — la mienne et la vôtre — l’emporter plus souvent sur nos peurs cette année et nous donner des ailes.

earhart-sur-son-avion

Bonne année 2017!

* De la chanson Hallelujah, de Leonard Cohen : « It doesn’t matter which you heard
The holy or the broken Hallelujah »
** Militante noire et première Canadienne qui figurera sur un billet de banque. Pour en savoir plus : http://www.encyclopediecanadienne.ca/fr/article/viola-desmond/.
Image : Amelia Earhart, photo de John Vanowsky (via Flickr).
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