Du bon matériau

Mes billets de blogue sont souvent des courtepointes : des assemblages de morceaux disparates, trouvés ici et là — idées, faits, personnes, etc. David Sedaris aime bien construire des histoires de cette façon. Il les appelle ses kitchen sink stories — en français, on dirait peut-être des « fonds d’évier », mais j’aime mieux l’image de la courtepointe.

Ma mère a travaillé pendant des années sur une courtepointe fusion, mêlant couture et crochet. Je crois qu’elle l’a finalement abandonnée. Il y a des billets de blogue que j’abandonne aussi : j’ai un dossier avec des idées à moitié développées et quelques brouillons dans WordPress. Par exemple, je me dis depuis au moins dix ans qu’il faut que je parle de la fascination du Canada anglais pour Terry Fox, une fascination qui n’est peut-être pas étrangère à l’indifférence, voire au dégoût qu’on montre à l’inverse pour les personnes malades ou handicapées qui n’ont pas la force de traverser le Canada à pied — celles qui ne voient plus d’autre choix que de demander une aide pour mourir faute de trouver l’aide ou les traitements qu’il leur faudrait pour vivre*. Oui, un jour, je parlerai de Terry Fox. Si j’ai le temps. Enfin, pas aujourd’hui.

J’ai suivi d’une oreille distraite l’atelier d’écriture de David Sedaris sur la plateforme Masterclass. J’en ai retenu ceci : tristes ou heureuses, les vicissitudes de la vie ne sont qu’un matériau brut pour l’écrivaine. J’y ai d’ailleurs beaucoup repensé pendant que je poireautais à l’aéroport Pierre-Elliott-Trudeau

Je m’étais promis d’écrire dès mon retour de la Péninsule acadienne, de raconter la bonté de ses gens et la splendeur de ses paysages. J’ai adoré Shippagan et Caraquet; le bleu de la baie des Chaleurs et les brumes du golfe du Saint-Laurent ont fait grand bien à mon cœur. Hélas! il y avait plus de moelle dramatique dans mon aventure aéroportuaire et, depuis, d’autres vicissitudes sont venues secouer ma vie (dans un hôpital près d’ici, un bistouri me veut du bien).

La première neige est tombée sur Ottawa cette semaine. Les jours raccourcissent. Je ne sais pas trop ce que me réservera l’hiver. Bien sûr, il y aura l’écriture. Toujours. Et, que je ça me plaise ou non, il y aura aussi du matériau neuf pour mon clavier apparemment.

* Pour un portrait très éclairant de la situation au Canada, en anglais, je recommande l’article de Ramona Coelho et coll. publié ce mois-ci dans le World Medical Journal. Pour une perspective plus personnelle, je suggère le reportage du Toronto Star intitulé « Michael’s Choice », publié le 12 novembre 2022.

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