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Écrire c’est… [40]

L’écriture est toujours la traduction d’un manque, d’une fêlure, une façon de déplacer les atomes de la réalité.

— Philippe Delerm

Je déteste le mythe de l’artiste torturée; je refuse de croire qu’écrire doit forcément être souffrant ou naître d’une souffrance.

Pourtant, toutes celles qui ont écrit, mues par la beauté d’un lever de soleil, la musique d’un rire ou la caresse sucrée d’une brise, n’ont-elles pas commis l’acte d’écrire aussi, et surtout, à cause de l’éphémérité de ces merveilles, parce que leur a manqué le temps voulu pour en jouir à satiété?

Premières lueurs d'un lever du soleil


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Mes roues

J’ai écrit le poème qui suit pour Poètes de la capitale en 2022. C’est un hommage au grand Félix Lecler et aux roues grâce auxquelles j’ai conquis ma liberté. J’avais prévu de le republier ici en 2023, mais j’ai oublié (je gagnerais sans doute à raffermir mon plan de communication, je vous le concède). Le voici finalement, accompagné de la vidéo enregistrée pour l’occasion.


Moi mes roues ont beaucoup roulé
Elles m’ont portée de l’école à la gare
J’ai traversé sur mes pneus bien gonflés
Le monde et ses caustiques regards

Sur vos écrans et vos scènes, paraît-il
Y’a pas de place pour les roues indociles
Mais vous devriez tous apprendre à rouler
Car vieux pieds finissent déglingués

Nos histoires

J’ai revu le film Arrival (L’arrivée) de Denis Villeneuve ce mois-ci, et ce visionnement m’a bouleversée autant que le premier. Le scénario est une adaptation de la nouvelle Story of Your Life, de l’auteur étatsunien Ted Chiang. C’est une histoire importante que celle-là, parce qu’elle a le potentiel de modifier un tant soit peu notre conception de la vie et du temps.  

Nous baignons à longueur de journée dans les histoires. Nous sommes faites d’histoires. Quelles histoires me constituent? Quelles histoires j’autorise à pénétrer ma conscience? Lesquelles est-ce que je me répète encore et encore à propos de moi-même, du monde?

« Raconter son histoire, la re-raconter, la reconstruire dans une version plus complète ou plus supportable, aide à y voir plus clair et à se réapproprier sa vie », selon Michel Legrand[1]. C’est quelque chose que nous faisons sans cesse, spontanément. Notre identité tient dans le récit que nous faisons — à nous-mêmes et aux autres — de notre propre existence : « Je suis née à Montréal l’année où l’être humain a posé le pied sur la lune. J’avais les cheveux roux et les yeux bleus. Sinon des objections de mon grand-père Fortin, je me serais appelée Nancy… »

Maman m’a souvent dit « Mais t’es forte, toi. » Je détestais entendre ces paroles sortir de sa bouche. J’y percevais un refoulement, voire un rejet. Entre mon dixième et mon vingt-deuxième anniversaire, j’ai l’impression qu’elle m’a dit des centaines de fois « Mais, t’es forte, toi. » En réalité, elle a probablement prononcé la petite phrase tout au plus à une douzaine d’occasions. Elle, ma mère, elle pouvait protester, se décourager, fondre en larmes; mais moi, sa fille paraplégique, je n’avais pas le droit de me plaindre, de vaciller, d’empiler les excuses, parce que moi, j’étais forte.

Je ne voulais pas être forte. Je voulais seulement qu’elle passe ses bras autour de moi.

Et puis, un soir, plusieurs décennies après le décès de ma mère, j’ai repensé à la petite phrase et j’y ai finalement entendu une invitation à faire de ma vie une histoire palpitante, une histoire de triomphes. En somme, si maman avait prononcé avec une absolue conviction ces mots, n’était-ce pas pour m’immuniser contre le discours social qui, toute ma vie, tenterait de me camper dans le rôle de victime?

Nous sommes faites d’histoires, disais-je.

Pour que l’humanité change, il faudra changer les histoires que nous nous racontons, y mettre moins de canons et plus de linguistes assez folles pour affronter l’inconnu sans combinaison protectrice, comme Louise Banks dans Arrival.


[1] Laurence Lemoine, « J’ai retrouvé le fil de mon histoire », Psychologies, 16 avril 2009.

Une année de possibilités

Sur le bord de la fenêtre, une violette africaine exhibe deux fleurs grandes ouvertes. Les pétales roses arborent une touche de blanc à la base, comme pour mieux mettre en valeur les étamines jaunes qui se tiennent serrées les uns contre les autres au centre. À moins d’un mètre de là, un chat dort paisiblement sur son arbre-à-chat modulaire, le nez pointé vers la fenêtre. Il reste deux gorgées de latté dans ma tasse, et assez de grains de café et de lait dans la cuisine pour que je puisse me préparer une seconde tasse si je le souhaite. La machine à café ne demanderait pas mieux que de faire entendre ses gargouillements familiers. Le contact de la poignée du porte-filtre que j’insère en tournant dans le bloc d’infusion me rappelle chaque fois mon père, grand consommateur de café. J’aime me souvenir de mon père.

Dehors, il fait moins douze avec le refroidissement éolien, mais la maison est juste assez chaude. La chaudière ronronne. Ses jours sont comptés; elle devra bientôt être remplacée par un modèle plus éconergétique, mais elle n’en a cure et continue entre-temps de me réchauffer grâce à un approvisionnement constant en gaz et en électricité.

C’est le premier jour d’une année nouvelle, chargée de mille possibilités de joie, de paix, de jeu, de réalisation, de création, d’apprentissage, de partage, de découverte, d’amour, de pardon et de solidarité. À quelles possibilités m’ouvrirai-je en 2024? À quelles possibilités vous ouvrirez-vous?

C’était le meilleur et le pire de tous les temps, le siècle de la folie et celui de la sagesse; une époque de foi et d’incrédulité; une période de lumières et de ténèbres, d’espérance et de désespoir, où l’on avait devant soi l’horizon le plus brillant, la nuit la plus profonde; où l’on allait droit au ciel et tout droit à l’enfer.

— Charles Dickens, Le Conte de deux cités

La capacité de percevoir et embrasser à la fois lumières et ténèbres, espérance et désespoir, folie et sagesse ouvre des perspectives inattendues, et c’est de là, je crois, que jaillissent les possibilités les plus fécondes; là, dans l’entre-deux, que s’amorcent les transformations salvatrices.

À quelles possibilités m’ouvrirai-je en 2024? À quelles possibilités vous ouvrirez-vous? Je nous souhaite de belles et nombreuses possibilités.

Bonne année!

Pour l’amour des étoiles filantes

De temps à autre, je me dis que je devrais suivre les conseils des spécialistes du marketing et établir un calendrier de publication avec des sujets préétablis pour le blogue. Les fois où j’ai tenté de le faire, le calendrier a vite pris le bord. Je devance ou repousse les publications au gré de ma charge de travail et, le plus souvent, l’actualité sert de matière brute à mes billets.

Aujourd’hui, c’est l’envie de parler des étoiles filantes qui m’a poussée à écrire. Les étoiles filantes, ces corps qui laissent une traînée de lumière dans la nuit, comme Karl Tremblay. Justement, c’est peut-être ma dernière ambition, la seule qui compte vraiment : laisser une traînée de lumière.

Pas la fortune. Pas le pouvoir. Pas l’adulation du public. Seulement vivre de manière à semer un peu de lumière (quelle qu’en soit la portée ou la durée).

Après tout, il en a bien besoin, de lumière, notre monde. Les crises s’additionnent et s’amplifient les unes et les autres. Sur fond de guerres et de dérèglement climatique, une autre crise se dessine maintenant. L’ampleur de ses ramifications échappe à bon nombre d’entre nous (à commencer par ses artisans, je crois) : l’intelligence artificielle.

En 2012, j’ai effleuré le sujet de la technologie dans le monde de l’édition. Onze ans plus tard, ces propos sont complètement dépassés. De nos jours, la machine ambitionne de se substituer aux autrices et auteurs. Pour l’instant, on arrive encore à la démasquer…

Alors, avant qu’une machine me force à prendre ma retraite, je peaufine le tome 2 d’Après Massāla. Ce travail implique de relire attentivement l’ensemble du texte, de le restructurer, de le raccourcir ici, d’y ajouter une scène là, etc. L’autre jour, j’ai éclaté de rire quand je suis tombée sur le nom de mon chat au détour d’un paragraphe. J’avais oublié que je l’y avais inséré.

Ce rire, délicieusement humain, a traversé ma journée comme une étoile filante.

Le 25 septembre, j’achète un livre franco-ontarien

Une fille en fauteuil roulant tend un livre à un garçon portant des lunettes. La couverture du livre est décorée d'un coeur. Sous l'image on peut lire : «Encourageons les créatrices et créateurs d'ici! Le 25 septembre, j'achète un livre franco-ontarien!»

En 2010, l’Assemblée législative a proclamé le 25 septembre Jour des Franco-Ontariens et des Franco-Ontariennes. Célébré chaque année, ce jour coïncide avec l’anniversaire du premier lever du drapeau franco-ontarien à Sudbury, en 1975. Depuis 2015, on en profite pour promouvoir la littérature franco-ontarienne. Quand on sait le rôle qu’autrices et auteurs ont joué dans le façonnage de l’identité ontaroise, ça tombe sous le sens d’inclure les livres dans cette célébration!

Pour en savoir plus sur la campagne «Le 25 septembre, j’achète un livre franco-ontarien», voir le site jelisFO.ca. Moi, je pense que je vais acheter la suggestion no 2 cette année.

Mes cartes d’inspiration

À l’époque où il était encore courant d’utiliser des fiches en carton pour la prise de notes, j’ai constitué une collection de citations sur l’écriture, retranscrites de ma plus belle main sur de petites fiches blanches dont la face est décorée d’une image : mes cartes d’inspiration.

Pendant des années, j’ai commencé chaque séance d’écriture en pigeant une carte. Pour l’artiste en moi, c’était une façon de me rappeler que, malgré les efforts et les sacrifices qu’elle me demande, l’écriture demeure une compagne extraordinaire sur le chemin de ma vie. Auprès d’elle, j’ai trouvé et continue de trouver émerveillement, plaisir, compréhension, force, et tant encore.

Sur une fiche blanche, le texte suivant est inscrit à la main : « [...] donner voix et visage à l'inconnu du monde — et à l'inconnu en nous. » - A. Mabanckou

Et vous, comment vous inspirez-vous?


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Écrire c’est… [39]

Écrire c’est se corrriger.

Quand j’écris, je traduis la langue inadéquate de mes pensées et de mes affects. Ecrire, c’est se corriger à l’infini.

— Olivier Cadiot

Certes, corriger le texte (pour en améliorer la structure et le style, pour débusquer les fautes de grammaire et les impairs); et parfois, à travers lui, aussi corriger ma pensée.

Les mots jouent, sur la pensée, le même rôle que la lune sur les marées.

— Armand Gatti


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